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La semaine du droit des affaires

Affaires - Banque et finance
09/11/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des affaires, la semaine du 2 novembre 2020.
AMF – visite domiciliaire – saisie – secret médical – secret professionnel
« Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 29 mai 2019), un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement des articles L. 465-1, L. 465-3 et L. 621-12 du Code monétaire et financier autorisé des enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) à procéder à des visites et des saisies dans des locaux susceptibles d'être occupés par les sociétés AB science (la société AB) et AMY (…) susceptibles d'être occupés par M. X, dans des locaux et dépendances (…)  susceptibles d'être occupés par M. Y, dans des locaux et (…) susceptibles d'être occupés par M. Z, ainsi que dans des locaux et (…) susceptibles d'être occupés par Mme A, en vue de rechercher la preuve de manquements d'initiés ou de délits d'initiés.
La société AB, M. Z, Mme A, M. Y et M. X ont relevé appel de l'ordonnance d'autorisation et exercé un recours contre le déroulement des opérations de visite, effectuées le 26 avril 2018.
 
Aucun texte ne subordonne la saisine de l'autorité judiciaire pour l'application de l'article L. 621-12 du Code monétaire et financier à l'exercice préalable d'autres procédures et les dispositions de ce texte, qui organisent le droit de visite des enquêteurs de l'AMF et le recours devant le premier président de la cour d'appel, assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite avec les nécessités de la lutte contre les manquements et infractions aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de marché et la divulgation illicite d'informations privilégiées ou tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et du bon fonctionnement des marchés ou relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, de sorte que l'ingérence qu'il prévoit dans le droit au respect de la vie privée et des correspondances n'est pas, en elle-même, disproportionnée au regard du but légitime poursuivi. Il s'ensuit que le premier président, qui a relevé que la mesure prévue par l'article L. 621-12 du Code monétaire et financier ne revêtait pas un caractère subsidiaire, a statué à bon droit sans avoir à justifier autrement la proportionnalité de la mesure qu'il confirmait.
Les moyens ne sont donc pas fondés.
 
Le secret médical couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé. Il est institué dans l'intérêt des patients et s'impose à tout médecin.
Selon l'article 56-3 du Code de procédure pénale, les perquisitions dans le cabinet d'un médecin sont effectuées par un magistrat et en présence de la personne responsable de l'ordre des médecins ou de son représentant.
Après avoir relevé que la société AB était une société pharmaceutique ayant pour objet la recherche, le développement et la commercialisation d'une classe de molécules thérapeutiques utilisées dans le traitement des cancers, des maladies inflammatoires ou neurodégénératives, l'ordonnance énonce que la collecte de données cliniques de patients par une société pharmaceutique est censée être effectuée de manière anonymisée, de sorte que, sauf cas exceptionnel, qui ne semble pas être le cas en l'espèce, les articles L. 621-21 alinéa 11 du Code monétaire et financier et 56-3 du Code de procédure pénale entourant d'une protection spécifique les visites domiciliaires et les perquisitions réalisées dans le cabinet d'un médecin n'ont pas vocation à s'appliquer. Ayant ensuite relevé que trois courriels saisis dans la messagerie de M. X contenaient des demandes de conseils formulées par des particuliers qui y dévoilaient leur identité et la pathologie dont ils étaient atteints, le premier président, estimant que ces informations étaient couvertes par le secret médical, en a annulé la saisie. En l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance, dont il résulte que l'établissement visité ne pouvait être assimilé à un cabinet médical et que, hormis les trois courriels précités, les appelants ne démontraient pas que d'autres documents comportant des données couvertes par le secret médical auraient pu y être appréhendés, le premier président a statué à bon droit.
Les moyens ne sont donc pas fondés.
 
Vu l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 :
Selon ce texte, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci et les correspondances échangées entre le client et son avocat sont couvertes par le secret professionnel.
Pour annuler la saisie des correspondances constituant la pièce no 16 des appelants, le premier président, après avoir indiqué les avoir examinées concrètement, a constaté que seuls les courriels échangés entre les dirigeants et salariés des entreprises visitées et leurs avocats étaient couverts par  le secret, que les échanges entre deux correspondants pour lesquels un avocat était en copie ne  pouvaient bénéficier de la protection légale, que seuls les échanges où un avocat était expéditeur ou destinataire du courriel pouvait bénéficier de cette protection et que le fait, pour les sociétés, de divulguer à des tiers des correspondances couvertes par le secret professionnel leur faisait perdre la protection attachée au secret.
En se déterminant ainsi, sans identifier précisément les correspondances en cause et sans indiquer ce qu'il résultait de leur examen concret, alors que l'AMF contestait la liste des messages produite par les appelants en faisant valoir qu'elle ne permettait pas d'identifier précisément qui étaient les auteurs ou les destinataires des courriels en cause et, faute de permettre un examen concret, ne pouvait se substituer à leur production, le premier président a privé sa décision de base légale.
 
Vu l'article L. 621-12 du Code monétaire et financier :
S'il résulte de ce texte que les enquêteurs de l'AMF ne peuvent appréhender que les documents se rapportant aux agissements prohibés retenus par l'ordonnance d'autorisation de visite et saisies domiciliaires, il ne leur est pas interdit de saisir des documents pour partie utiles à la preuve desdits agissements.
Pour annuler la saisie de documents antérieurs au 1er septembre 2014, le premier président, après avoir relevé que des éléments préalables au début de la période d'enquête, fixé au 1er septembre 2014, pouvaient être de nature à apporter un éclairage aux soupçons de délits d'initiés, a retenu qu'il était difficile de voir en quoi les saisies antérieures à cette date étaient susceptibles d'apporter un quelconque éclairage aux agissements précités.
En se déterminant ainsi, sans préciser, par une analyse concrète des pièces saisies par les enquêteurs de l'AMF, en quoi la saisie de celles-ci n'entrait pas dans le champ de l'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention, le premier président a privé sa décision de base légale ».
Cass. com., 4 nov. 2020, n° 19-17.911, P+B *
 

* Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 9 décembre 2020
 
Source : Actualités du droit