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Action en recouvrement : quid d’une décision constituant un titre exécutoire à l'encontre du débiteur solidaire

Affaires - Fiscalité des entreprises
06/08/2018
Dans un arrêt rendu le 18 juillet 2018, le Conseil d’État apporte des précisions concernant le délai de prescription de l’action en recouvrement en présence d’une décision juridictionnelle constituant un titre exécutoire à l'encontre du débiteur solidaire.
La décision juridictionnelle déclarant, sur le fondement de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, qu'une personne est tenue au paiement solidaire de l'impôt fraudé constitue un titre exécutoire à l'encontre de cette dernière et interrompt la prescription de l'action en recouvrement de l'impôt tant à l'égard du débiteur principal de l'impôt qu'à l'égard de la personne déclarée solidairement tenue au paiement de cet impôt.

En second lieu, il résulte des articles L. 274 et L. 275 (désormais abrogé) du Livre des procédures fiscales que lorsque le comptable public poursuit le recouvrement d'une imposition en exécution de la décision d'une juridiction de l'ordre judiciaire ayant force exécutoire, un nouveau délai de dix ans lui est ouvert, qui se substitue au délai quadriennal prévu pour l'exécution du titre fiscal délivré par l'administration.

Telles sont les solutions dégagées par le Conseil d’État dans un arrêt du 18 juillet 2018.

En l’espèce, une société et sa filiale font l’objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités ont été mis en recouvrement. Par suite, le comptable des finances publiques chargé du recouvrement des créances fiscales irrécouvrables a assigné le requérant, président directeur général des deux sociétés redevables, devant le tribunal de grande instance de Niort aux fins de le voir déclaré solidairement responsable du paiement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités dues par les sociétés. Le tribunal fait droit à la demande de l’administration et la cour d’appel de Poitiers confirme ce jugement.

Poursuivant l'exécution de cet arrêt, le comptable public a notifié au requérant une première mise en demeure de payer valant commandement de payer le 7 juillet 2009 et a procédé à plusieurs mesures de recouvrement forcé. Par décision du 25 octobre 2011, l'administration fiscale a constaté l'irrégularité d'une seconde mise en demeure, notifiée le 22 juin 2011, procédé à la mainlevée de deux procédures de saisies de parts sociales et confirmé la régularité de la première mise en demeure de payer et le montant de la créance fiscale restant à recouvrer. Le requérant se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui a rejeté l'appel qu'il a formé contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers rejetant sa demande de décharge de l'obligation de payer cette créance.

Le Conseil d’État précise dans un premier temps que l’interruption du délai de prescription produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, ainsi que le précise désormais l'article 2242 du Code civil, sans qu'il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que le caractère continu de cet effet interruptif serait subordonné à l'absence de la faculté, pour le créancier, de prendre des mesures conservatoires. Dès lors la cour d’appel de Poitiers n’a pas commis d’erreur de droit. De plus, un nouveau délai de prescription de dix ans a, dès lors, commencé à courir le 9 juin 2009, date de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers. Ce délai n'était pas expiré le 7 juillet 2009, date de la mise en demeure contestée.

Par Marie-Claire Sgarra
Source : Actualités du droit